mardi 21 août 2012

Immigration années 50 et 60: l'autre Belle Epoque.


Dans la France de l'après-guerre, pas de chômage! Pas de fainéants entretenus par l'Etat. Il y avait tout à reconstruire, le travail était la chose qui manquait le moins, on a donc fait largement appel à la main-d'oeuvre venue des Colonies. Principalement d'Afrique du Nord. C'est ainsi que mon père s'est retrouvé à Paris. Exactement, dans un hôtel meublé de la rue Lafayette, à 2 pas des Galeries du même nom. Il est arrivé avec une vingtaine d'autres jeunes hommes du village, dont un de mes oncles avec qui il s'entendait particulièrement. Cet oncle avait trouvé une petite bicoque à Clichy-sous-Bois et il a pu, contrairement à mon père, faire venir sa femme. J'ai eu la chance de venir habiter chez eux pendant 2 ans, dans ce qui était pour nous un petit coin de paradis, comparé à la misère qui sévissait alors en Kabylie. Même si ma mère me manquait beaucoup. Au bout de 2 ans, mon père a fini par trouver un petit appartement à la Butte-aux-Cailles, Paris 13ème et il a fait venir ma mère.

Les 2 années écoulées entre Clichy et Levallois ont passé trop vite. Mon père s'est dégotté un boulot pas très dur, dans un atelier de fabrication de porte-bagages. La Société s'appelait O.L.D. mais je ne me souviens plus ce que ce sigle signifiait. J'ai encore en tête l'enseigne: "Ets. LECANU" suivie du numéro de téléphone. C'était je crois au 51 ou au 53 de la rue Raspail, à Levallois-Perret.

Les samedis de Tournoi des Cinq Nations, mon oncle m'emmenait dans une brasserie située boulevard de Ménilmontant, Paris 11ème. Un des rares endroits où l'on pouvait suivre les exploits des joueurs sur un écran de télévision. On ne ratait pas un match! Dans une ambiance survoltée, on passait une très agréable après-midi, au milieu des cris de joie ou de désespoir. Mon oncle m'a aussi emmené à 3 reprises au fameux stade Yves du Manoir à Colombes. Quelle chance, pour moi! La première fois, pour voir jouer le Stade Français contre Dax et 2 autres fois pour France-Irlande et France-Ecosse. Vous imaginez la joie que ce fut pour moi!!! C'était l'époque des Lacaze, Barthe, Dupuis, Rancoule. C'est durant ces 2 années que j'ai découvert et aimé le rugby et c'est comme ça que, plus tard, durant mes 3 ans de scolarité au collège et les 2  années qui ont suivi, j'ai été demi d'ouverture, arrière ou centre droit dans les 2 clubs où j'ai pratiqué ce sport. Par la suite, j'ai été obligé d'arrêter bien malgré moi.

A cette époque, les Kabyles de Métropole avaient d'autres préoccupations que de savoir de quel côté tourner la tête pour prier: ils ne priaient pas! Leur soucis, c'était de voir comment vivent ces Roumis qui semblent épanouis et d'essayer de vivre comme eux, profiter de la vie. C'est ainsi que, les 2 premières années où il était seul sans ma mère, mon père et quelques autres du village s'étaient inscrits dans une école de danse. Le samedi soir, impossible pour eux de rater le rituel du bal. Ils étaient devenus des virtuoses du tango, du paso doble, de la rumba et même de la valse, de la polka ou de la mazurka. Le bal était aussi le lieu idéal pour faire la cour aux belles demoiselles ... Pauves femmes légitimes restées au pays! Elles ont été cocufiées plus d'une fois! Mon père m'avait raconté plus tard que, dans leur souci de s'intégrer au mieux dans cette société d'abondance et de loisirs, ils avaient même échangé leurs prénoms musulmans pour des noms bien européens. Lui avait choisi de s'appeler Gaetano. Ca lui allait bien car il avait un phyique d'Italien. Il fallait aussi voir comment étaient habillés ces jeunes gens! Le samedi et le dimanche, c'était le costume 3 pièce obligatoire! Mon père était très fier de porter son costume "Prince-de-Galles" qu'il s'était fait faire sur mesure, s'il vous plaît! Ses camarades n'étaient pas en reste.

Beaucoup de Kabyles de l'époque travaillaient dans l'industrie automobile. Que ce soit dans les Usines Simca (à Poissy, si mes souvenirs sont bons), Renault à Boulogne Billancourt ou encore Panhard-Levassor, avenue de Choisy à Paris 13ème. D'autres dans le bâtiments et les Travaux Publics. A Levallois, tout au bout de la rue Raspail, en face du cimetière, il y avait l'usine Olida. Les porcs arrivaient vivants dans des camions, ils en sortaient dans des boîtes de conserves. Beaucoups de Nords-africains y travaillaient, je les voyais sortir à la fin de la journée. Ils ne semblaient pas préoccupés par le contact quotidien avec les porcs. Plus tard, quand je suis parti vivre dans le 13ème arrondissement de Paris, je m'étais fait des amis qui habitaient au Kremlin-Bicêtre et quand j'allais les voir, je passais devant une autre conserverie de porc, l'usine Géo de l'avenue de Fontainebleau. Là aussi, je voyais entrer et sortir beaucoup de Nords-africains, et là aussi, il semblaient ne pas avoir de répugnance pour leur travail. Une petite anecdote: dans ma caboche de gamin de 10 ans s'est instillé une idée plutôt étrange. J'avais fait le rapprochement entre l'usine Olida de Levallois à côté du cimetière communal et l'usine Géo du Kremlin-Bicêtre, attenante au cimetière parisien d'Ivry-sur-Seine. Et, même si je voyais bien entrer les camions de cochons vivants, je me demandais quel pouvait être le lien étrange entre ces 2 usines et les cimetières. Peut-être qu'on ajoutait un peu de chair humaine dans les conserves?

Plus tard, grâce aux économies réalisées, la plupart des Kabyles ont pu faire venir leurs femmes. La Kabylie des bords de mer, entre Tigzirt et Yakouren, territoire des Iflissen, était encore plus pauvre que le reste du pays, c'était une chance inouïe pour ces femmes. Mais c'était aussi un challenge extraordinaire pour elles, elles entraient sans être préparées dans un monde dont elles ne connaissaient rien, ni les codes ni la langue. Pour la pluart totalement illtrées, elles s'en sont formidablement bien sorti, même bien mieux que les hommes. Leur intégration a été facilitée aussi par la gentillesse des autochtones, qui les ont aidées de leur mieux et qui ont été très attentionnés envers ces "expatriées". L'insertion en a été facilitée et, jusque dans les moindres détails, les femmes kabyles ont mis un point d'honneur à s'adapter du mieux possible à cette nouvelle vie, y compris pour les tatouages. A l'époque, beaucoup de femmes kabyles se faisaient tatour le front, le menton ou le cou. Une vieille tradition kabyle. Beaucoup d'entre elles se sont fait retirer ces tatouages. C'était leur manière de dire qu'elles se sentent bien dans cette société qui les avait bien acceptées. A l'époque, pas de traitement laser, bien entendu! C'était une intervention chirurgicale qui nécessitait une anesthésie locale et la suppression au scalpel de la partie de peau tatouée. De femmes frustes d'origine paysanne, elle ont su rapidement s'adapter et vivre pleinement leur nouvelle vie, et souvent en rivalisant de coquetterie et de chic avec les natives.
Toutes ces femmes ont eu vraiment beaucoup de mérite.

Voilà, c'était une belle époque, révolue à jamais. Quand on jette un regard en arrière et qu'on voit que le "Prince-de-Galles" est aujourd'hui remplacé par le khamis et que la coquetterie n'existe plus, cachée par le pantalon trop large et disgracieux, quand ce n'est pas par la burka ou le tchador, on mesure tout ce qui a été perdu. Le khamis, la burka et le tchador qui n'ont d'ailleurs rien de nord-africain mais qui ont été adoptés par tous ces gens qui ne sont Français que de papiers. Aujourd'hui, la France se trouve dans une mélasse bien gluante d'où elle aura beaucoup de mal à s'extirper, si elle s'en extirpe! On voit bien à quel point ce pays a régressé! A cause d'une immigration de peuplement, non contrôlée et soumise à la seule loi de la chariya islamiya. A cause aussi de tous ces politicards bien-pensants, habitués aux ors de la République, et de ces journaleux complices, tous ceux qui ne voient pas ou qui feignent de ne pas voir la triste réalité de la France qui a perdu ses valeurs.

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