mercredi 31 juillet 2013

Coupable... de manger

POSTÉ PAR MALIKA FILALI LE 30 JUIN 2013 DANS DROIT

(En 2013 et sous la nouvelle constitution qui respecte le droit à tout un chacun de pratiquer (ou pas) la religion qu’il confesse, de jeunes gens sont condamnés à la prison pour avoir rompu le jeûne en public).

1964…
J’ai 14 ans et je viens de lâcher une bombe… Enfin, c’est « eux » qui le disent : j’ai refusé de jeûner et j’ai osé dire que j’attendais de réfléchir à la question et de décider si oui ou non, je faisais le ramadan… Cris, protestations, supplications, menaces : rien n’y fait jusqu’à ce qu’on me propose benoîtement de… manger en cachette. On me ferait à manger, le principal étant de taire soigneusement la chose sinon « ache ghadi igoulou nasse » (que vont dire les gens?), question capitale pour le Marocain moyen pour qui berner le Tout-Puissant est moins grave que de choquer son voisin !

Extrait de l’agenda de cette année de ma mère… « On lui a proposé de la nourrir… et cette petite sotte, du haut de sa rébellion, a décrété que, puisqu’on faisait pression sur elle et que son père avait menacé de quitter la maison pour fuir la mécréante, elle refusait avec hauteur de tricher et ferait donc le jeûne dans les règles : on n’avait rien compris, on ne l’avait pas comprise, a-t-elle rajouté…« .
Presque 50 ans après, vous le voyez, on n’a pas bougé d’un pouce et on continue à reprocher aux dé-jeûneurs de se produire en public car, vous l’aurez deviné, le Maroc est un pays « où on peut vivre librement, il suffit d’y mettre les formes »… Comprenez : cachez-vous ! Oui, cachez-vous comme le voleur dans la maison vide, le violeur suivant sa proie, le tricheur ou l’assassin.
Qu’ils se le disent une fois pour toutes : la foi est affaire de pari et de choix et la prière est la supplication à Dieu d’exister et le non-croyant est tout aussi digne de respect que le Musulman pieux. Certains en ont besoin, d’autres pas. On ne peut contraindre quelqu’un à croire comme on ne peut obliger à vous aimer quelqu’un qui a mis son coeur ailleurs.
Et surtout, ne venez pas me dire que dans notre pays on a bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper de pareilles choses, qu’il vaut mieux résoudre d’abord les problèmes d’économie, de chômage et autres plaies autrement plus tangibles ! À ceux-là, je dis haut et fort que c’est un tout : c’est parce que nous sommes mis au pas dès notre naissance et jetés en pâture à tous les diktats de la religion que l’on nous ôte toute velléité de nous élever au-dessus de notre condition de sujet et de croyant. Et on peut nous faire avaler toutes les couleuvres, accepter toutes les inégalités, supporter toutes les avanies.
J’ai toujours pensé qu’avec mon besoin de spiritualité j’aurais peut-être fait une croyante sincère et réfléchie : ils m’ont extirpé jusqu’à l’envie de m’intéresser aux choses de la religion. Dieu, s’il existe, n’avait surement pas mérité cela.


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